VILLEMUR : LA MEMOIRE DES « JUSTES PARMI LES NATIONS » MERITE D’ETRE HONOREE

 

Par Jean Philippe TIZON

 

Villemur-sur-Tarn serait des plus inspirée, à un an de la libération de la ville et à deux ans  de fêter les 70 ans de la victoire sur le nazisme, d’honorer deux de ses citoyens en leur donnant un nom de rue ou de place et en élaborant un lieu de mémoire pour rappeler que certains, y compris dans cette cité, ont été en mesure de dire NON à l’ignominie.
Le Père Auguste Arribat, dans les pas des Pères Saliège et Théas, et madame Marcelle Fraysse, ont risqué leur vie pour cacher des citoyens de confession juive (1). Cet acte de résistance, parce que c’en est un,  était considéré par les nazis et leurs collaborateurs français comme aussi criminel que celui d’héberger ou d’appartenir à un groupe de maquisards.
Il apparaitrait  assez paradoxal que nos deux concitoyens soient honorés par la communauté juive, l’Etat Hébreux et que notre cité reste indifférente à leur geste héroïque.
Il faut se remémorer cette époque où l’Etat collaborationniste de Vichy et l’occupant Nazi, en plus de la chasse aux résistants, (gaullistes, communistes, chrétiens, etc…)  entendaient  avant tout par antisémitisme chronique réduire en cendre la communauté israélite de France. Les rafles conduites par la police et la gendarmerie vichystes allaient alors bon train. Ainsi, près de 76 000 Juifs de France ont été déportés dans les camps de la mort, auxquels il faut ajouter les Juifs assassinés pour fait de résistance sur le sol national ou en camp de concentration, abattus comme otages , ou encore morts dans des camps d’internement français, soit près de 80 000 personnes. Ainsi près de 23% (2) de la communauté juive française  disparut  parce que sémite. Sans  l’indignation de nombreux(es) français (es), sans cette résistance morale se traduisant par l’accueil des pourchassés, les rafles eurent été encore plus meurtrières.
La folie criminelle des nazis engloba d’autres « races ». Parmi celles-ci les tziganes,  les africains et de tous ceux considérés  non dignes de la race aryenne à l’instar des personnes homosexuelles.
A un moment où les mêmes causes économiques tendent à produire  les mêmes effets  politiques, il revient à tout républicain de droite comme de gauche de rappeler  que ce ne sont pas   nos voisins de rue ou de palier musulmans, juifs, africains, asiatiques ou tziganes- qui sont responsables  de la crise que nous subissons tous dans notre chair, notre âme, mais bien un système capitaliste mondialisé perverti par l’appât aveugle du gain.
Cette crise par analogie se rapproche de celle de 1929. Les états providences s’écroulent, la misère gagne des nations entières, des fortunes spéculatives gonflent, des banquiers demeurent non inquiétés et la xénophobie s’étend. Les véritables auteurs de ces troubles ne se trouvent nullement effrayés pour l’instant pour leur devenir, protégés qu’ils sont  par leur paradis fiscaux. Les nations, les peuples  paient pour eux. Par contre, les désespérances dues au non respects des promesses tenues gangrènent la démocratie.  Celles-ci, telle la force de l’inertie, renforcent l’extrême droitisation de la société avec son corollaire : le rejet de l’autre.
Chaque groupe y va de son bouc-émissaire. Au courant des années 1930, le responsable des maux de la société était le « Juif ». Aujourd’hui, en France  c’est « l’Arabe » (intitulé qui amalgame tout et son contraire), cause soi-disant de nos déficits sociaux et de l’insécurité. L’antisémitisme revient aussi à grands galops porté à la fois par des groupes extrêmes-droites et des fanatiques religieux de toutes confessions.  L’attentat meurtrier, l’an dernier à Toulouse contre le collège Ozar Hatorah en témoigne.
 Face à de tels enjeux,  les tactiques politiciennes n’ont plus lieu d’être. A des fins électoralistes, il n’est plus possible de se défausser sur l’Etat pour l’installation de telle aire d’accueil ou de tenir des propos sibyllins pour récupérer un électorat attiré par les thèses de rejets sans les combattre sur le fond.
La lutte contre l’intolérance demande du courage politique, des initiatives  citoyennes pour ne pas accepter par fatalisme l’inacceptable. Il revient aux politiques, aux citoyens, aux croyants des différents monothéismes – voire d’autres- d’impulser des lieux de « médiations », de rencontres et de partages.  Remettre l’humain au centre des cités tel est l’enjeu.
Honorer nos « Justes parmi les nations » permet de rappeler, en notre époque troublée, que tout individu avant d’être  noir, rouge, jaune, chrétien, musulman, juif, athée,  est d’abord un humain au même titre que soi-même. Exclure l’autre revient à s’exclure soi-même de toute humanité. Le Père Jules Saliège dans sa lettre en date du 23 août 1942 écrit  « Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. »
Les villemuriens ne peuvent oublier le sens  de l’engagement pris par ses héros « ordinaires ». Ils honorent notre cité, maintenant c’est à la cité des les honorer. Il est grand temps « Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir »(3).
1)Villematier accueille en son  sein trois  Justes : Louisa Ramondou, sa mère Marty Noémie et Adrien Montet.
  1. En Europe c’est 6 millions de personnes de confession israélite qui ont assassinées.
  1. Citation du Maréchal Foch
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